Objectifs
CRAterre est chargé de mettre au point des matériaux de construction utilisant la terre et une fibre végétale issue de la plante Typha australis, puis de commencer à les diffuser en vue de contribuer à une meilleure efficacité énergétique des bâtiments au Sénégal, et à la réduction des émissions de CO2.
Les objectifs de la mission de CRAterre se décomposent en quatre volets :
- Un volet d’identification du contexte sénégalais et un état de l’art sur l’utilisation des fibres végétales dans la construction
- Un volet d’expérimentations guidées par les résultats de l’identification avec plusieurs séminaires de restitution des résultats ;
- Un volet de démonstration, comprenant la formation de futurs producteurs de matériaux et qui prévoit aussi la construction d’un éco-pavillon, qui servira de support de démonstration aux différents matériaux Terre-Typha développés ;
- Un volet d’application prévoyant la mise en place de différentes actions pour une plus large diffusion des résultats.
Partout dans le monde, on assiste à un intérêt croissant de la part de la communauté scientifique et des bâtisseurs pour l’utilisation de fibres naturelles, afin de réduire l’impact énergétique du secteur du bâtiment (construction puis utilisation). Le roseau Typha australis est une de ces ressources dont la structure interne alvéolaire très fine présente un potentiel particulièrement intéressant. Au Sénégal ce roseau tend à envahir le fleuve Sénégal et le lac de Guiers (principale source d’eau douce de Dakar). Il est même devenu un problème écologique majeur. De ce fait, de nombreuses recherches ont été lancées pour tenter de transformer cette nuisance en ressource durable. C’est entre autre, le but du programme PNEEB/Typha auquel CRAterre collabore activement, qui vise la production au Sénégal et pour le Sénégal de matériaux isolants à base de terre et de fibres de Typha.
Le PNEEB est le Programme National de réduction des émissions de gaz à et de serre à travers l’Efficacité Energétique dans le secteur du Bâtiment au Sénégal.
Les activités qui ont été menées comprennent :
– Une première mission d’identification du contexte sénégalais, pendant laquelle une équipe de quatre experts de CRAterre a été déployée afin d’analyser les différentes typologies d’habitat dans la région de Dakar et de juillet 2014 Saint-Louis. Cette étude a porté sur les différents matériaux de construction disponibles, les matières premières locales (nous avons pu identifier des
exemples d’argiles qui pourraient être utilisées pour les matériaux), les techniques et les savoir-faire locaux et de se mettre en relation avec quelques acteurs économiques travaillant dans le domaine de la construction en terre, de l’efficacité énergétique ou dans l’exploitation du Typha (Groupements d’Intérêts Economiques).
– Un processus de recherche et développement sur différents types de produits à base de Typha seul et de mélanges Typha-terre. Pour ces derniers, le processus va de la recherche des formulations possibles (choix des terres, élaboration de différents broyats de Typha, proportions de terre et de Typha) à celle des méthodes et outils permettant la confection d’éléments constructifs.
– Un séminaire de restitution à Dakar, regroupant une majorité des parties prenantes au développement de ces matériaux au Sénégal, qui s’est tenu à Dakar les 17 et 18 Février 2015 en présence de plus de 80 participants .
– Un atelier avec des acteurs économiques, techniques, scientifiques et de la société civile pour réaliser un premier transfert de technologie et vérifier la faisabilité des matériaux que nous avons développés à Grenoble.
Ultérieurement, une fois que nous serons assurés qu’ils répondent à la demande locale et à différentes exigences techniques, sociales, et culturelles, les matériaux feront l’objet d’une caractérisation physique, notamment thermique, mécanique et acoustique, ainsi qu’à des tests de résistance au feu.
Une formation de professionnels aura lieu très prochainement à Diamniadio. L’éco-pavillon démonstrateur des produits Terre-Typha est aussi en cours de conception dans le cadre du programme de recherche. Sa construction doit démarrer en cette fin d’année 2015.
Résultats
Jusqu’à présent différents types de matériaux rattachés à différents systèmes constructifs ont été développés.
Pour les cloisons ou le doublage de murs, des blocs, des panneaux de Terre-Typha et des panneaux de Typha seuls sont en cours de développement. Lors du séminaire de restitution, il a aussi été souhaité d’approfondir la question de blocs de substitution aux blocs de ciment (surtout pour les constructions neuves) pour les murs non porteurs.
Pour les planchers, des hourdis en Terre-Typha ou en Typha seul et les solutions de doublage telles que les blocs et les panneaux Terre-Typha sont aussi envisagées.
Pour les toitures, il s’agirait de panneaux de Typha seul s’inspirant des nattes de Typha traditionnelles (et de techniques utilisées en Roumanie) ou des panneaux de Terre-Typha. Plusieurs déclinaisons sont alors possibles : soit un traitement en sous-face (type panneaux sous tôle ondulée ; hourdis sous toiture-terrasse), soit un traitement directement en couverture (tuiles et/ou panneaux de typha seul ; ou encore chaumes de Typha).
Le gain en énergie grise (qui correspond à la quantité d’énergie qu’il faudra pour extraire, produire, transformer, transporter, mettre en œuvre, utiliser, entretenir et recycler le matériau) devrait être considérable en ce qui concerne les matériaux de substitution (blocs, panneaux ou hourdis), la terre crue étant peu gourmande en énergie pour produire les matériaux et la transformation du Typha également.
Une attention particulière sera portée à l’esthétique en proposant différents types de finitions : d’autres ressources locales pourront aussi être utilisées. La question des performances en matière d’isolation et d’acoustique est toujours à l’étude. La terre présente l’avantage d’apporter de l’inertie thermique et d’être un régulateur d’humidité, et les feuilles de Typha possèdent de bonnes propriétés isolantes, mais aussi de régulation hygrothermique. Avec de telles propriétés, les résultats, en termes d’amélioration de confort thermique, notamment pour limiter les utilisations de climatiseurs ne pourront qu’être très satisfaisants, comparativement à la situation actuelle où de trop nombreuses construction et de matériaux utilisés sont peu efficaces énergétiquement.
Partenaires
Pour réaliser cela, CRAterre travaille en collaboration étroite avec le projet amàco porté par les Grands Ateliers et le Labex AE&CC de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble et outre les responsables du projet au Sénégal (Unité de gestion PNEEB/TYPHA, Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, la Direction des Etablissements Classés, le PNUD et le FEM) et prévoit une implication forte de représentants du secteur de la construction afin de répondre au mieux aux besoins, souhaits et capacités de valorisation des résultats.